Influence romaine sur les rites funéraires en Normandie : tous les chemins mènent à l’inhumation ! (2/4)

             La question du mode d'ensevelissement selon les périodes est toujours un sujet complexe dans lequel les archéologues cherchent à donner des réponses, mais avec certaines difficultés. De plus, la conservation de ces sépultures dépend du type d'ensevelissement[1]. Il est plus difficile de repérer une crémation déposée en pleine terre qu’une dans un coffre de pierre ou une inhumation.


 

Évolution laténienne : de l’inhumation à l’incinération

 

“Les funérailles sont, relativement au degré de civilisation des Gaulois, magnifiques et somptueuses ; tout ce que le mort chérissait est porté au bûcher, même les animaux, et, il n’y a pas longtemps encore, la règle d’une cérémonie funéraire complète voulait que les esclaves et les clients qui lui avaient été chers fussent brulés avec lui” Jules César[2].

 

L’étude des sépultures durant l’Âge du fer est assez complexe. Il y a un déficit de sépultures par rapport aux nombres de Gaulois durant cette période, certains démographes les estiment entre trois et huit millions… L’estimation reste large et discutable, mais toujours est-il qu’il y a une très faible quantité de sépulture de cette époque. Ce déficit peut être dû à différents facteurs. Premièrement, il peut être dû à la nature : il y a deux millénaires de travail effectué par Dame Nature, différentes choses peuvent jouer comme l’acidité des sols, l’érosion due à des crues, etc. L’action anthropique rentre également en jeu avec notamment l’agriculture ou encore les dégâts causés par la Grande Guerre par exemple. Ces explications proviennent de conséquences modernes. Mais il en existe également dues au contexte de l’époque. La guerre des Gaules (58 av. J.-C. ; 50 av. J.-C.) menée par César est à prendre en compte. Selon Plutarque, la conquête de César aurait provoqué un million de morts ainsi qu’un million de déportés. Ces estimations, sans nul doute exagérées, permettent de mettre en lumière les conséquences directes. Premièrement, les nombreux morts n’ont sans doute pas tous eu le droit à une sépulture. Ensuite, les prisonniers eux ne vont pas mourir en Gaule puisqu’il alimente davantage le cercle du commerce d’esclaves que les sépultures Gauloises à la fin de l’Âge du fer[3].

Une croyance prédomine en archéologie divisant en plusieurs phases l’Âge du Fer[4]. Cela provient de l’archéologue français, Joseph Déchelette, qui a étudié des oppida gaulois. Il divise ainsi cette période, du point de vue de la pratique funéraire, en trois phases avec l’inhumation sous tumulus durant le premier Âge du Fer (Hallstatt) avant que cette inhumation se transforme en tombe plate durant la Tène avant d’être remplacée par la crémation à la fin de cette période. On doit néanmoins nuancer ce modèle selon les particularités régionales avec de nombreuses exceptions. De plus, cette évolution est progressive. 

 

Au sujet des pratiques funéraires, elles sont donc au nombre de deux : l’inhumation et la crémation. À partir du IIIe siècle av. J.-C., la crémation commence à apparaître. Puis, à partir des années 200 av. J.-C., les nécropoles à inhumations vont commencer à être mises de côté[5]. L’inhumation continuera cependant d’exister en parallèle de la crémation jusqu’à la fin de l’Âge du fer. Cottévrard illustre parfaitement le cas de la bi-ritualisation. Nous avons trois tombes (tombe 270, tombe 257, tombe 254) qui sont de l’époque de la Tène C1 (-250 ; -180). C’est à partir de la Tène C2 (-200 ; -140) que des dizaines d’incinérations apparaissent. Certaines structures ne sont pas datées, mais sont rattachées à la Tène de manière générale[6]. À Pîtres, on a également la présence d’inhumations durant la Tène moyenne puis une nécropole dite bi-rituelle puisque l’inhumation et l’incinération cohabitent durant la Tène Finale[7].

 

Lors de la crémation, le défunt est habillé et placé sur un bûcher avec des objets personnels que nous détaillerons dans un futur article. Les ossements sont récupérés de manière totale ou partielle afin d’être placé dans un contenant qui peut aller de la céramique, au vase en métal ou en verre, en passant par le sac de tissu. Pendant qu’on récupère les ossements, on cherche à récupérer également certains de ces effets[8]. Le cas des sépultures habillées est un débat récurrent dans les études contemporaines. En effet, la modernisation des techniques d’analyse permet d’enrichir nos connaissances sur les modes d’enveloppements des corps. La question de savoir si le corps du défunt est nu ou habillé représente une pratique sociale importante pour comprendre les mentalités et les modes de vie. Le fait d'envelopper son mort montre-t-il une volonté de s’occuper du cadavre ? Dans le Nord de la Gaule, de nombreuses tombes habillées ont été retrouvées. Dans le cas de Cottévrard, il y a une mise à nu du squelette. Comme expliqué plus en amont, le ramassage des os sur le bûcher est effectué[9]. Cependant, sur le site de Clos au Duc, les études taphonomiques nous permettent de mettre au jour plusieurs cas de figure. De nombreuses compressions sont observées au niveau du thorax, des genoux, des pieds et donc l’hypothèse d’un vêtement est à appréhender. La sépulture 46 montre que le défunt est chaussé mais qu’une seconde paire, non portée, est également présente. Des clous de semelles ont été retrouvés au niveau des pieds, permettant donc de prouver le port de chaussures. Ces dernières sont un bon moyen de savoir si le défunt portait des vêtements. En effet, il est rare de trouver une personne chaussée, mais non habillée[10]. Un bon indicateur pour savoir si le défunt était chaussé est d’observer la position des pieds dans la fosse. Lors de la décomposition, les ligaments se rompent et les os des pieds migrent vers le fond de la fosse. Si le pied est maintenu dans sa position initiale, on peut se douter qu’un maintien a été appliqué et donc la possibilité de chaussures est à envisager[11].

 

Certaines catégories de morts sont exclues de ces nécropoles. Les enfants morts en bas âge, ainsi que les nouveau-nés, sont inhumés dans le sol de la maison parentale. Ils ne sont pas reconnus comme des membres du groupe social. Pour les jeunes enfants, les cas existent mais restent rares. Les individus plus âgés sont eux aussi rejetés hors des nécropoles[12]. Cottévrard fait partie des rares nécropoles avec des enfants. Malgré le principal problème du site, soit la faible quantité d’ossements contenue dans les tombes, les archéologues ont réussi à déterminer des tombes d’enfants via l’épaisseur de l’os cortical, des os longs ou de la calotte crânienne. Il existe deux tombes avec des enfants : la tombe 80 concerne un enfant entre 3 à 5 ans et la tombe 600 comporte un enfant plus vieux, de 10 à 15 ans. Il y a également un jeune adulte de 22 à 24 ans dans la tombe 114. La majorité des défunts reste adulte. Par exemple, dans une des concentrations, sur 8 individus il n’y a qu’un enfant de 3 à 5 ans et 7 adultes. Dans une autre concentration, il existe la même répartition : 7 adultes et  un enfant de 10 à 15 ans[13]. L’archéologue Vincent Carpentier, travaillant pour l’INRAP et pour la ville de Caen, a mis au jour une vaste nécropole d’enfants gaulois à Jort comportant 130 sépultures. Cependant, 26 sont vides d’ossements mais présentent néanmoins une fonction sépulcrale[14]. C’est grâce aux mobiliers retrouvés dans les tombes que les archéologues peuvent dater les vestiges. En effet, de nombreuses fibules ont été découvertes. Découvrir un site comme Jort est très rare. Des fouilles sont encore programmées pour découvrir d’autres vestiges de la nécropole[15].

 

Une autre pratique est connue pour la période de la Tène. Nous n’avons pas rencontré ce cas de figure en Normandie, mais savons qu’elles existent : ce sont les tombes en silo. Les silos avaient pour première fonction la conservation de grains alimentaire. Ces derniers étaient stockés dans ces entrepôts, fermés pour permettre une meilleure conservation du produit. Leur utilisation a sans doute évolué pouvant être réutilisés. Dans les tombes en silo sont inhumés des défunts. La fosse est circulaire et l’individu est souvent en position atypique. Les débats sont ouverts essayant de savoir si c’est une pratique culturelle courante. Aujourd’hui, seules quelques tombes ont été découvertes. Des fouilles ont permis de découvrir ce type de tombe dans le Loiret et en Seine-et-Marne, mais encore aucune en Normandie. Nous savons que c’est une pratique pratiquée durant la Tène. Des recherches montrent que les défunts seraient peut-être marginaux (criminels, esclaves, sacrifiés …) mais les débats contemporains essaient de nuancer ces propos car du mobilier, des parures ou vêtements peuvent être retrouvés au côté du défunt[16].

 

Nous pouvons donc voir une coexistence des rites durant la période laténienne qui correspond à une évolution des pratiques. On passe progressivement de l’inhumation à l’incinération. Il y a une certaine sectorisation dans certains sites, les enfants et les personnes plus âgées ne sont pas mélangés avec les adultes. Enfin, le perfectionnement des techniques permet de faire de nouvelles recherches et de mieux comprendre le mode de vie des populations d’antan. Les études taphonomiques permettent de comprendre les pratiques funéraires. Nous allons maintenant voir que l’incinération continue à s’imposer durant les deux premiers siècles de notre ère avant que l’inhumation fasse son retour.

 

L’incinération à la mode avant un retour progressif à l’inhumation

 

Le mode d'ensevelissement questionne toujours les archéologues même si les sources sont plus nombreuses que la période précédente. On peut prendre l’exemple d’un colloque international qui avait pour thème, en 1987, “Incinérations et inhumations dans l’Occident romain aux trois premiers siècles de notre ère”[17]. La tenue de ce colloque n’est pas un hasard, mais faisait suite à de nombreuses fouilles préventives qui ont permis de trouver de nombreux vestiges funéraires nuançant les hypothèses, sur les pratiques funéraires, en vogue à cette époque.

 

Du Ier au IIIe siècle on pratique l’incinération, dans le courant du IIIe au Ve siècle elle devient minoritaire. Les deux pratiques coexistent donc pendant trois ou quatre siècles. Certains auteurs ne considèrent pas qu’une opposition incinération/inhumation soit pertinente, pour eux elle n’est qu’illusoire, seule la mise en terre d’un défunt compte dans les mentalités antiques[18]. Sur le site de Pîtres, on peut mentionner des incinérations du IIe et IIIe siècles après J.-C. avant que l’inhumation les remplace au cours du IIIe et IVe siècles[19]. Clos au duc nous présente ce même cas de figure. Durant le Ier siècle ap. J.-C. prédominent des sépultures secondaires à crémation, c’est-à-dire que les vestiges humains peuvent avoir été déplacés avant d’être brûlés et que des os peuvent être récupérés, car la combustion n’est pas entière. Puis au cours du IIe siècle, on retrouve exclusivement l’inhumation. Nous avons donc, pour le site de Clos au Duc, une nette transition entre les pratiques.

 

On peut voir que la disparition de l’inhumation connaît des exceptions[20]. En effet, comme durant la Tène, la mortalité infantile connaît un traitement particulier. On pensait que c’était dû à la culture de l’époque qui n’accordait pas une grande part affective aux nourrissons, mais les découvertes archéologiques nous poussent à nuancer ces propos. On ne pratique pas la crémation pour les jeunes enfants, mais on continue l’inhumation. De nombreux textes antiques attestent de cette pratique comme Juvénal, poète latin de la fin du Ier et début du IIe siècle. Il nous explique qu’il fallait que l’enfant vive un minimum de temps pour avoir le droit à la crémation. Le naturaliste latin du Ier siècle de notre ère, Pline l’ancien, précise que ce sont les enfants n’ayant pas encore eu leurs dents de lait qui sont exclus de la crémation. On peut observer cette pratique à Juliobona (Lillebonne). Les campagnes de fouilles entreprises par l’abbé Cochet, au XIXe siècle, ont permis de découvrir 12 inhumations dans des coffres en bois où reposent des corps d’enfants âgés de deux à sept ans[21]. De plus, deux cercueils en tuiles et deux sarcophages ont été découverts, datant du Haut-Empire. 

 

Au début du IIe siècle, les sarcophages en pierre prennent une place importante à Rome[22]. Ils se diffusent principalement, en Gaule, à partir du IIIe siècle même s’ils sont déjà attestés dès la fin du Ier siècle de notre ère. On peut penser que l’utilisation de ces sarcophages résulte de la volonté d’une intériorisation de la mort qui fait disparaître toute forme d’ostentation pérenne. En effet, bien que ces sarcophages soient richement décorés avec des sculptures sur des matériaux de qualité, ils ne seront plus à la vue de personne une fois enterrés. On voit l’émission de sarcophage chez les Aulerques Eburovices, les Calètes ainsi que les Véliocasses[23]. En effet, de nombreux sites ont dévoilé la présence de sarcophages dont une minorité peut être datée. Mais on peut voir une tendance à la diffusion durant le IIIe et IVe siècles avec quelques exceptions durant le Haut-Empire[24]. Cela peut être un signe de la progression de l’inhumation après avoir été en minorité face à l’incinération durant les premiers siècles de notre ère. La pierre utilisée est transportée des lieux d’extraction par voie fluviale jusqu’au site d’inhumation, cela semble le plus logique vu le poids des sarcophages en pierre et la situation géographique des sites qui sont principalement au bord de la Seine ou de ses affluents[25]. L’estuaire de la Seine et les côtes n’ont pas été touchées par cette diffusion des sarcophages.

On peut expliquer cela par le fait, que durant le Bas-Empire, la civitas des Calètes n’existe plus et que Juliobona (Lillebonne), sa capitale, connaît un déclin économique et politique. En effet, on peut constater que Rothomagus (Rouen) prend une place plus importante politiquement et administrativement que Juliobona (Lillebonne) pour le peuple des Véliocasses, mais aussi pour le peuple des Calètes depuis les réformes administratives de Dioclétien. Elles modifient les provinces au IIIe siècle avec la création de la seconde Lyonnaise ou Lyonnaise Armoricaine dont la capitale est Rothomagus[26]. Ce choix aurait été influencé par le rôle de Rothomagus durant l’usurpation de Carausius lui donnant une place d’honneur pour des raisons économiques et politiques. En effet, il jugeait que Juliobona n’était plus propice pour être une “capitale” à cause de son déclin économique et de sa proximité avec la mer la rendant vulnérable. Dioclétien n’aurait, en fin de compte, qu’officialisé un statut mis en place par Carausius. De plus, on souhaite s’éloigner de l’estuaire de la Seine et des côtes où la piraterie saxonne est présente. Un autre constat apparaît, ces sarcophages sont destinés pour des inhumations qui se trouvent majoritairement dans des centres urbains qui ont survécu à la crise du système durant le IIIe siècle dans tout l’Empire. Cela peut arriver qu’on découvre des sarcophages en milieu rural dans des grandes Villae, mais cela reste des cas isolés. Cependant, cette répartition géographique des sarcophages doit être nuancée puisque des secteurs font appel plus qu’à d’autres à l’archéologie préventive due aux aménagements urbains. Sur le site de clos au Duc, un sarcophage a été découvert par hasard. En effet, les archéologues ne s’attendaient pas à trouver une telle structure. Elle était réservée à une élite et cette femme d’une trentaine d’années est vue comme une intruse. Ce site est particulièrement étonnant, car les défunts sont inhumés en position atypique. Dans ce sarcophage, on retrouve des monnaies, des fourrures, de la pourpre (coquillage). C’est un marqueur social de richesse. Sous le bassin, on remarque une ouverture pour l’évacuation des jus de décomposition. Cette découverte permet d'ouvrir de nouveaux débats, de poser de nouvelles hypothèses sur la place sociale des défunts[27].

La diffusion de ces sarcophages montre une certaine acculturation puisque l’on suit les pratiques se développant à Rome avec l’utilisation de sarcophage qui se généralise suite au retour de l’inhumation. De plus, on voit que la diffusion géographique de ces sarcophages n’est pas un hasard, mais provient de la situation géopolitique de Rome (L'usurpation de Carausius suivi des réformes administratives de Dioclétien).

 

Le grand avantage des inhumations est de retrouver les ossements et donc de pouvoir pratiquer des études anthropologiques et démographiques assez complètes. On peut reconstituer la position initiale du corps, étudier le mobilier déposé dans sa tombe etc. Ces études permettent de repérer l’identité des défunts et d’établir une diagnose sexuelle. Pour connaître le sexe, les archéologues observent les dents et les os du bassin des adultes. En effet, lorsque ces derniers sont bien soudés, on peut faire la distinction entre homme et femme mais la différenciation chez les enfants ou les nourrissons (leurs os ne sont pas encore durs et ils sont formés de beaucoup de cartilage) reste très compliquée[28]. Ensuite, nous pouvons repérer les fractures à répétition, les entorses, les marques laissées sur les os (trépanation …) mais aussi les maladies dégénératives (arthrose …) ou les maladies infectieuses qui attaquent le corps (Gingivite, carie …). De ces maladies, les archéologues peuvent en apprendre plus sur les pratiques médicales. En effet, il est aussi possible de voir une fracture réparée et de conclure à une prise en charge médicale. Il est aussi possible de connaître le mode de vie, l’alimentation (les carences alimentaires peuvent être décelées), les souffrances… Dans la nécropole d’Évreux (Clos au Duc), pour définir l’âge des défunts, les spécialistes ont étudié les sutures sagittales mais également la présence de dents de lait ou de dents définitives[29]. Ensuite, l’analyse des articulations des poignets et des hanches ont montré une arthrose extraspinale, c’est-à-dire de l’arthrose au niveau de la colonne vertébrale ou de la moelle épinière. Puis enfin des enthésopathies (maladie au niveau des tendons, ligaments qui entrent dans l’os). Grâce à cette analyse pathologique, nous pouvons penser que la santé de la population de Clos au Duc était mauvaise et donc les individus étaient peut-être défavorisés. Cela nous permet donc de faire des hypothèses et d’appréhender autrement les indices archéologiques.

 

Une fois l’identité personnelle connue, il est important pour les archéologues de continuer à déchiffrer les aspects culturels qui peuvent se déceler comme l’orientation ou les dépôts présents dans les sépultures. Les deux positions les plus rependues sont le décubitus dorsal (le défunt repose sur le dos) et le décubitus latéral (le défunt repose sur le côté avec les jambes repliées souvent pour un gain de place). Il est possible, mais plus rare, d’observer des corps dans la position décubitus ventral, c’est-à-dire des défunts positionnés sur le ventre. Cette dernière position est, dans la société romaine, expliquée lorsque ce sont des indigents qui sont enterrés[30]. Le site de Clos-au-Duc est une exception à ces explications étant donné que les défunts sont inhumés dans des positions atypiques : sur le ventre, les membres inférieurs hypers fléchis… C’est donc un site qui ne suit pas de “ règles” précises.

 

L’orientation n’est pas clairement définie dans les sociétés. Durant le Bas-Empire (284-476), le défunt est orienté vers le soleil levant et donc sa tête se situe entre l’Est et l’Ouest. Cependant, il est assez difficile d’avoir une typologie générale[31]. Nous savons néanmoins que lorsque le Christianisme s’implante vraiment dans tout l’Empire, les défunts sont orientés vers Jérusalem et ont donc la tête vers l’Est. Il n’y a donc pas de grand changement pour l’orientation des corps.

 

            Les dépôts constituent un élément essentiel de compréhension tant social qu’environnemental. Lors de l’inhumation, le défunt peut avoir été déposé à même le sol (présence possible d’un linceul) ou dans une fosse funéraire. Cette dernière peut être matérialisée par un cercueil, un coffrage en bois, un sarcophage, etc. Il est alors possible de percevoir une cavité assez lisse, une couleur différente de la terre autour de la cavité. Si l’espace est vide, les ossements peuvent se retrouver au fond de la cavité alors que si la fosse est remplie, ils sont plus ou moins bien maintenus dans leur position initiale[32]. Le site de Clos-au-duc n’a pas analysé de réelle position typique pour les défunts. Ils sont inhumés indifféremment au nord, à l’est, à l’ouest[33]. Cependant, un petit fragment de stèle funéraire indique aux archéologues que les tombes devaient être marquées pour que les familles viennent se recueillir, mais aussi éviter les regroupements. Cela explique que ces derniers n’ont pas été beaucoup observés. Enfin, il est important de comprendre l’identité sociale et donc de définir les liens qui unissent les défunts. Avec les nouvelles techniques médicales, des analyses ADN[34] peuvent être effectuées sur les restes osseux pour observer des liens familiaux. Cela peut expliquer par exemple un regroupement ou expliquer pourquoi un enfant se retrouve au milieu d’adultes. Seulement, nous regrettons que ces nouvelles techniques ne soient pas encore appliquées à nos sites pour des analyses plus précises. Il est essentiel d’examiner la mort pour comprendre la vie.

 

Après avoir vu l’évolution du mode d'ensevelissement durant notre période de recherche, nous nous attacherons à étudier, dans un futur article, le mobilier qui accompagne les défunts dans leur sépulture ainsi que l’enseignement qu’il nous apporte sur la romanisation de la Normandie. 

 

À  suivre ...


Guilbert Vincent, Doubremelle Clémentine et Laulanet Capucine.

 

Annexes

 

Annexe 1 : quatre cas représentant les positions des os des pieds[35]

 



 

Annexe 2 : carte de répartition des découvertes de sarcophages rectangulaires. La diffusion et la production se concentrent autour de la vallée de la Seine et ses affluents, Eure et Iton (E. Follain)[36]

 



[1] Laurence Tranoy, Archéologie funéraire, Paris, Errance, Collection “Archéologiques”, 2007, p. 121.

[2] César, La guerre des Gaules, VI, 19. Traduction de A. Constans, Paris, Les belles Lettres, 1926.

[3] Franck Perrin, Archéologie funéraire,  Paris, Errance, Collection “Archéologiques”, 2007, p. 95.

[4] Ibidem, p. 99.

[5] Ibid., pp. 105-106.

[6] Geertrui Blancquaert, “Cottévrard “La plaine de la Bucaille” (Seine-Maritime). Présentation préliminaire de la nécropole laténienne”, Revue archéologique de Picardie, n°1-2, 1998, p. 180.

[7] Yves-Marie Adrian, Eric Mare & Fabien Pilon, “Le quartier sud de la nécropole de Pîtres (Eure). Aperçu des résultats de la fouille de 2008”, Journées Archéologiques de Haute-Normandie Alizay, 20-22 juin 2014, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2015, p. 114.

[8] Franck Perrin, Archéologie funéraire,  Paris, Errance, Collection “Archéologiques”, 2007, p. 105.

[9] Isabelle Le Goff, “Étude anthropologique des sépultures laténiennes de Cottévrard (Seine-Maritime)”, Revue archéologique de Picardie, n°1-2, 1998, p. 186.

[10] Frédéric Kliesch & Sylvie Kliesch-Pluton, “Les sépultures antiques du clos au Duc, tissu, chaussures et taphonomie”, Rencontre autour des sépultures habillés, Roubaix, Editions des Hautes-Alpes, 2009, p. 45.

[11] Voir annexe 1.

[12] Franck Perrin, Archéologie funéraire,  Paris, Errance, Collection “Archéologiques”, 2007, p. 108.

[13] Isabelle Le Goff, “Étude anthropologique des sépultures laténiennes de Cottévrard (Seine-Maritime)”, Revue archéologique de Picardie, n°1-2, 1998, p. 185.

[14] INRAP, Un cimetière d’enfants gaulois dans le Calvados [En ligne], mis en ligne le 21 mars 2018. https://www.inrap.fr/un-cimetiere-d-enfants-gaulois-dans-le-calvados-13553.

[15] Vincent Carpentier, “Jort – Rue Paul Duhomme”, ADLFI Archéologie de la France - Informations [En ligne], mis en ligne le 16 mars 2016. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/16965.

[16] INRAP, Les dépôts humains en solis au second âge de fer : une pratique culturelle?, [En ligne], mis en ligne le 01 septembre 2006. URL : https://www.inrap.fr/les-depots-humains-en-silos-au-second-age-du-fer-une-pratique-cultuelle-4917.

[17] Laurence Tranoy, Archéologie funéraire, Paris, Errance, Collection “Archéologiques”, 2007, p. 137.

[18] Lola Bonnabel, Archéologie de la mort en France, Paris, La Découverte, 2012, p. 108.

[19] Yves-Marie Adrian, Eric Mare & Fabien Pilon, “Le quartier sud de la nécropole de Pîtres (Eure). Aperçu des résultats de la fouille de 2008”, Journées Archéologiques de Haute-Normandie Alizay, 20-22 juin 2014, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2015, pp. 115-116.

[20] Laurence Tranoy, Archéologie funéraire, Paris, Errance, Collection “Archéologiques”, 2007, pp. 156-157.

[21] Eric Follain & Serge Lejeune, “Juliobona”,  Lillebonne des origines à nos jours, Saint-Georges-de-Luzençon, Maury, 1989, p. 71.

[22] Laurence Tranoy, Archéologie funéraire, Paris, Errance, Collection “Archéologiques”, 2007, p. 136.

[23] Eric Follain, “Production et diffusion des sarcophages chez les Aulerques Eburovices, les Calètes et les Véliocasses”, Journées Archéologiques de Haute-Normandie Alizay, 20-22 juin 2014, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2015, p. 141.

[24] Ibidem, p. 163.

[25] Voir annexe 2.

[26] Eric Follain & Serge Lejeune, “Juliobona”, Lillebonne des origines à nos jours, Saint-Georges-de-Luzençon, Maury, 1989, p. 68.

[27] INRAP, De pourpre et de plomb, Chronique de site de Clos au Duc [en ligne]. Publié en janvier 2008, mis à jour en février 2016. Disponible sur  https://www.inrap.fr/de-pourpre-et-de-plomb-4912#.

[28] INRAP, “L’archéo-anthropologie funéraire”, Les magazines, [en ligne]. Disponible sur https://www.inrap.fr/magazine/L-archeo-anthropologie-funeraire/Accueil#L'arch%C3%A9o-anthropologie%20fun%C3%A9raire.

[29] Yves-Marie Adrian, Antoine Cottard, Frédéric Kliesch & Sylvie Pluton, “La nécropole gallo-romaine du “Clos au Duc” à Évreux (Eure) : des sépultures du Ier siècle apr. J.-C.”, Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], 25 | 2008, mis en ligne le 20 décembre 2010. URL : https://journals.openedition.org/rao/666.

[30] Vincent Charpentier, “Une nouvelle pratique funéraire en Gaule Romaine ? [audio], Le Salon noire, INRAP, France culture, mis en ligne en 2007, mis à jour en 2017. Disponible sur https://www.inrap.fr/une-nouvelle-pratique-funeraire-en-gaule-romaine-6384.

[31] Nicolas Prudhomme, “Gaule Romaine : nécropoles et sépultures”, Archéologie et Patrimoine, [en ligne], mis en ligne le 28 janvier 2017. Disponible sur http://www.archeologie-et-patrimoine.com/necropoles-sepultures/.

[32] INRAP, “L’archéo-anthropologie funéraire”, Les magazines, [en ligne]. Disponible sur https://www.inrap.fr/magazine/L-archeo-anthropologie-funeraire/Accueil#L'arch%C3%A9o-anthropologie%20fun%C3%A9raire.

[33] Yves-Marie Adrian, Antoine Cottard, Frédéric Kliesch & Sylvie Pluton, “La nécropole gallo-romaine du “Clos au Duc” à Évreux (Eure) : des sépultures du Ier siècle apr. J.-C.”, Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], 25 | 2008, mis en ligne le 20 décembre 2010. URL : https://journals.openedition.org/rao/666.

[34] INRAP, “L’archéo-anthropologie funéraire”, Les magazines, [en ligne]. Disponible sur https://www.inrap.fr/magazine/L-archeo-anthropologie-funeraire/Accueil#L'arch%C3%A9o-anthropologie%20fun%C3%A9raire.

[35] Frédéric Kliesch & Sylvie Kliesch-Pluton, “Les sépultures antiques du clos au Duc, tissu, chaussures et taphonomie”, Rencontre autour des sépultures habillés, Roubaix, Editions des Hautes-Alpes, 2009, p. 46.

[36] Yves-Marie Adrian, Eric Mare & Fabien Pilon, “Le quartier sud de la nécropole de Pîtres (Eure). Aperçu des résultats de la fouille de 2008”, Journées Archéologiques de Haute-Normandie Alizay, 20-22 juin 2014, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2015, p. 143.

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