Louis Augustin Capon
Louis
Augustin Capon ne peut pas seulement
être défini par son handicap. En effet, c’est un homme qui a su marquer son
époque. Sourd et muet de naissance, cela ne l’a pas empêché de faire de grandes
études, qu’il a brillamment réussies grâce à ces dons intellectuels[1].
Né
le samedi 16 mars 1846, autour de 19 heures, à Caudebec-lès-Elbeuf. Il est issu
d’une famille très modeste. Son père, Louis Joseph Capon, est tisserand et sa mère, Julie Capon, est sans profession[2]. Louis Augustin Capon
grandit en compagnie de deux frères plus âgés : Achille Louis Capon (né
probablement autour de 1830) et Nestor Capon (né autour de 1838)[3]. Les deux hommes suivent
les traces de leur père et deviennent tisserands.
Un
événement vient troubler son enfance. La petite fabrique de draps, située rue du Cour à Elbeuf, tenue par son père et David Delarue, est déclaré en état de
faillite[4]. Mais cela n’empêcha pas
Louis Augustin Capon de partir faire ses études au sein de la capitale, dans
l’Institut Nationale des Sourds-Muets de Paris. Ses résultats sont très bons et
son comportement irréprochable[5].
Il
se lance à la sortie de ses études dans le professorat, métier qu’il ne
quittera plus jamais. Autour des années 1870, il est de retour dans sa région
natale et épouse sa première femme, Maria Clémence Vasseur, le mardi 22 août
1871. C’est une jeune corsetière (né le 17 septembre 1848), entendante et
parlante de 22 ans lors du mariage, habitant chez sa mère à Caudebec-les-Elbeuf,
rue de Louviers. Elle est la fille de Jacques Michèle Vasseur et de Clémentine
Marc Vasseur, débitant de liquide de son métier[6]. Ils auront ensemble trois
enfants, deux fils et une fille. Grâce à elle, qui l’entraine pendant des
années, il va découvrir l’usage de la parole[7].
La
même année, il fonde sa première école d’enseignement oral à Caudebec-lès-Elbeuf,
dans la demeure de ses parents, rue Dautresme, pour les sourds et muets comme
lui. Dans certaines sources, sa femme est enseignante à ses côtés, dans
d’autres, elle est sans profession, ou encore corsetière. Capon met en place de
nouvelles techniques pour se faire comprendre, basé sur les mouvements de la
langue, des lèvres et des dents. Les premières années sont difficiles pour le
professeur, il a peu de moyens financiers, et doit donc se résoudre à faire de
la comptabilité pour différents commerces afin de pouvoir maintenir son école à
flot. Dans les registres de naissances de ses enfants, il est longtemps
considéré comme comptable, c’est le cas lors de la naissance de sa fille, Henriette
Emilie Louise Capon, le dimanche 31 août 1873[8]. Mais au moment de la
naissance de son premier fils, Marcel Félix Capon le mardi 1er août
1882, il est noté que Louis Augustin Capon est professeur[9]. Puis le 8 février 1887, lorsque son second
fils vient au monde, il est considéré comme chef d’institution[10]. Avec les trois différents
actes de naissance de ses enfants, nous pouvons voir la très nette progression
sociale de Louis Augustin Capon.
Les
années passent et les dons se font plus importants, ainsi en 1879, son école
est transférée dans un atelier de retordeur, rue de la Vignette à Elbeuf, puis
en 1883 rue des Traites, pour enfin terminer dans une magnifique propriété rue
du Clayeul. Cette bâtisse dispose d’un grand jardin, permettant toutes sortes
de loisirs et d’étudier le jardinage, ainsi qu’une vaste salle d’étude et un
musée. Les élèves sont une vingtaine chaque année et profitent de frais de
scolarité offerts. De plus, ils sont logés, nourris et blanchis aux frais de
leur professeur[11].
Ils entrent sourds et muets et en ressortent sourds et parlants. Si cela est
possible, c’est grâce aux dons de plus en plus nombreux. Au fil des ans, il
acquiert une certaine notoriété. En 1879, il reçoit les Palmes Académiques. Créée
par Napoléon Ier, cette récompense honore les membres importants de
l’Université. Puis en 1881, il devient le premier Officier d’Académie sourd et
muet[12]. En 1891, il gagne le
prix Honoré de Sussy ainsi qu’une
médaille et plus de 1 000 francs[13]. Ce prix récompense les
hommes et les femmes qui réalisent de bonnes actions. Louis Augustin Capon est
souvent, et nous le voyons très clairement dans les témoignages, considéré
comme « l’illustre enfant de l’abbé
de l’Épée[14] ».
Charles-Michel de L'Épée de son nom complet est un prêtre ayant le premier mis en
place des enseignements spécialisés pour les sourds. De plus, son école,
importante pour la région, se retrouve subventionnée par le Conseil général de la
Seine-Inférieure, ainsi que des conseils municipaux d’Elbeuf et de Rouen[15]. En plus de son école
pour aider les jeunes sourds et muets, Louis Augustin Capon fonde, en 1893,
l’association Fraternelle normande et Picarde qui est la première société de
secours mutuels et de retraite fondée pour et par les sourds et muets[16]. Cette dernière continue
de fonctionner après sa mort. En 1911, l’association comptait 159 membres, puis, en 1913, elle commence à distribuer des pensions de retraite comme le
souhaitait Louis Augustin Capon[17].
Le
11 janvier 1904, il se remarie, peu de temps après la mort de Maria Clémence
(probablement entre 1900 et 1903), avec Lucie Antoinette Léonie Albignat (née à Elbeuf en janvier 1869) à Paris.
Il décède quelques années plus tard, le 12 mars 1907 des suites d’une grippe.
L’homme, par sa nature altruiste, a changé le quotidien de nombreux sourds et muets. Par
un puissant charisme, il a su rallier à lui de fervents donateurs lui
permettant de prodiguer de nombreux enseignements. Il a su marquer son époque
par une générosité et un talent certain pour le professorat, dans une époque où
les sourds et muets n’étaient que trop peu considéré.
[1] Dictionnaire biographique comprenant la liste et les biographies des notabilités... du département de la Seine-Inférieure, Paris, 1892, p 121.
[2] 3 E 00999 ADSM, registre d’état civil d’Elbeuf, naissance 1846.
[3] 3 E 00999 ADSM, registre d’état civil d’Elbeuf, mariage 1871.
[4] Journal d’Elbeuf et des départements de la SI et de l’Eure, 5 mai 1853.
[5] Dictionnaire biographique comprenant la liste et les biographies des notabilités... du département de la Seine-Inférieure, Paris, 1892, p 121.
[6] 3 E 00999 ADSM, registre d’état civil de Caudebec-lès-Elbeuf, mariage 1871.
[7] Le Petit Journal, 26 décembre 1894.
[8] 3 E 00999 ADSM, registre d’état civil de Caudebec-lès-Elbeuf, naissance 1873.
[9] 3 E 00999 ADSM, registre d’état civil de Caudebec-lès-Elbeuf, naissance 1882.
[10] 4 E 11028 ADSM, registre d’état civil d’Elbeuf, naissance 1887.
[11] L’observateur français, 20 novembre 1891.
[12] Le Petit Journal, 3 septembre 1881.
[13] L’union Libérale, 21 novembre 1891.
[14] Comité national de coordination des sociétés silencieuses de France et d'Outre-Mer, La Gazette des sourds-muets, Paris, 1892.
[15] L’observateur français, 20 novembre 1891.
[16] Comité national de coordination des sociétés silencieuses de France et d'Outre-Mer, La Gazette des sourds-muets, Paris, 1916.
[17] Le Nord mutualiste : Organe des oeuvres sociales, mutualité, prévoyance, syndicats, coopération, éducation sociale, 25 mai 1912.
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