Lillebonne sous l’occupation - Gérard Régnier (compte-rendu)

 


Lillebonne sous l’occupation. De l’exode de juin 1940 à la libération de la ville, le 31 août 1944[1]

Gérard Régnier 

Compte rendu


    Gérard Régnier est un historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et notamment de la France sous l’occupation. Ancien professeur d’Histoire puis chef d’établissement, il reprend ses études au moment de sa retraite et devient diplômé de la Sorbonne où il réalise une thèse, sous la direction de l’historien Pascal Ory, sur le jazz sous l’occupation qu’il finalise en 2006 (Jazz et société sous l’Occupation 1940-1944). Par la suite, il publie également, chez l’Harmattan, plusieurs ouvrages consacrés à l’Occupation que cela soit L’histoire des zazous – Paris-Bruxelles-Prague-Berlin en 2020 ou encore plus récemment Django Reinhardt – Un musicien tsigane dans l’Europe nazie en 2021. Âgé de 88 ans, il a également vécu la période qu’il décrit et qu’il analyse dans ses livres. Il publie d’ailleurs un livre mémoriel, Mon exode de juin 40 (chez OREP éditions) où il raconte son parcours en tant que petit garçon de 6 ans quittant Le Havre en quête d’un abri. Dans Lillebonne sous l’occupation, il est également à la fois historien mais aussi témoin puisque son exode le mène, en 1943, dans cette petite ville de 6 000 habitants en 1940. Il prend ainsi le parti d’abandonner le « Nous » pour un « Je » lorsqu’il évoque son parcours au sein de Lillebonne et qu’il livre son propre témoignage.

    Pour réaliser son étude locale, Gérard Régnier s’appuie tout d’abord sur le chapitre « De la guerre à la Libération – Lillebonne sous l’Occupation » écrit par Jean Serin dans l’ouvrage Lillebonne. Des origines à nos jours, publié en 1989. Il se sert également de l’histoire orale avec des témoignages de Lillebonnais qu’il a pu utiliser dans son étude comme celui de René Delalandre sur le rôle qu’a pu jouer l’église de Lillebonne sous l’Occupation. La presse écrite de l’époque est également très utilisée que cela soit via les articles du Progrès de Lillebonne ou ceux du journal qui le remplacera à la libération, L’Écho de Lillebonne. Des articles de journalistes plus récents permettent de compléter l’étude sur certains événements comme l’article écrit par Guy Grenet, pour Le Courrier Cauchois du 24 avril 2009, sur le cas des « Rosenberg gazés à Auschwitz » par exemple. Enfin, Gérard Régnier a pu consulter les archives municipales de Lillebonne. 


    Gérard Régnier commence tout d’abord par décrire Lillebonne avant le début de la guerre. Il s’appuie pour cela sur le chapitre « L’entre-deux guerres », issu de l’ouvrage Lillebonne déjà cité plus haut, écrit par Jean-Marie Cahagne et Etienne Baique. Il mentionne une volonté de se distraire et d’oublier la Grande guerre par différentes activités que cela soit L’assemblée, sorte de fête populaire lillebonnaise, le théâtre, les concerts, le cinéma et évidemment le sport avec le football et le club de l’USL (union sportive lillebonnaise). La ville va connaître un bouleversement économique durant cette période, avec la crise de 1929 qui entraîne un ébranlement de l’industrie textile, et l’apparition de l’industrie pétrolière. Du côté de la vie politique, elle est agitée et les luttes sont rudes ce qui éclaire, selon Gérard Régnier, la suite des événements durant l’Occupation. L’antisémitisme et la xénophobie montent dans le pays et sont symbolisés, à Lillebonne, par le journal Le Progrès de Lillebonne qui, pour aider son candidat favori de l’Union Nationale, n’hésite pas à écrire des articles antisémites et xénophobes à l’encontre de son principal concurrent, Raymond Lindon, avocat et maire d’Étretat. Les élections législatives de 1936 et le « Front populaire » seront encore une occasion aux différents bords politiques de mener une lutte acharnée. Suite à la victoire nationale du Front Populaire, des grèves et occupations d’usines se mettent en place en France, touchant les industries textiles et les raffineries de Lillebonne, permettant d’obtenir les accords Matignon. La suite des événements est marquée sur le plan international par une politique « d’abandon » face à Hitler. Le traité de Versailles n’est plus respecté à partir de 1936 avec la remilitarisation de l’Allemagne ce qui mènera, en 1938 et par la volonté de sauver la paix par une majorité pacifiste en France, au rattachement de l’Autriche et l’annexion des Sudètes à l’Allemagne, puis l’invasion de la Pologne par cette dernière, le 1er septembre 1939. Dans le même temps, Lillebonne se prépare à la guerre avec des exercices de défense passive durant l’été 1938. On rappelle à la population les abris pour chaque quartier en cas de bombardements (grotte du Cheval Blanc, Pont du Becquet, Four à Chaux, Donjon, carrière du Platon, etc.). La guerre éclate finalement le 3 septembre 1939… 


    L’auteur décrit alors l’organisation de la défense du Pays de Caux où la mobilisation générale est annoncée. Dès le 5 septembre, les premières alertes aériennes retentissent à Lillebonne plongeant ses habitants dans les prémices de la guerre. Mais cette dernière reste la « drôle de guerre » jusqu’au 10 mai 1940 et le début de la Blitzkrieg avec l’invasion de la Belgique, du Luxembourg et de la Hollande par l’armée allemande. Des troupes françaises sont affectées à la défense de Lillebonne et, le 18 mai, les Lillebonnais apprennent que Paul Reynaud a remanié son gouvernement et a fait appel au maréchal Pétain. Mais la débâcle de l’armée française est totale et la poche du Pays de Caux va faire l’objet d’une attaque en règle, menée par le général Rommel. Commence alors l’Exode, d’abord celui des Belges et des Français du nord de la France. Ces premiers réfugiés traversent Lillebonne soit pour se diriger vers Le Havre soit pour prendre le bac de Quillebeuf et traverser la Seine. Le 9 juin, les Allemands sont à Rouen, créant « la poche du Havre » désormais isolée du reste du pays, les ponts de Tancarville et de Normandie n’existant pas encore. Les autorités militaires décident alors de mettre le feu aux bacs de pétrole de Port-Jérôme recouvrant Lillebonne d’une épaisse fumée noire, provocant l’affolement de la population : « Le lundi, la température est descendue à quelques degrés au-dessus de zéro ; malgré la saison, il fait froid et sombre ». Le 11 juin, la ligne de défense Fécamp-Lillebonne est abandonnée provoquant la ruée vers les bacs de Quillebeuf et du Hode, seule solution pour traverser la Seine, aussi bien pour les civils que pour les militaires. Les Lillebonnais, par centaines, cherchent à rejoindre Pont-Audemer, à pied pour la plupart. Les soldats traversent Lillebonne fuyant le front où la débâcle est totale. Un embouteillage indescriptible se produit au niveau du bac de Quillebeuf où se concentre les Lillebonnais et les Gravenchonnais mais aussi les Havrais circulant en voiture. L’auteur insiste sur le fait que, dans ce grand désordre où on retient surtout le pittoresque, on oublie souvent la honte que pouvaient ressentir les réfugiés. Ces derniers doivent également faire face au danger provenant de l’air, l’aviation allemande n’hésitant pas à bombarder les colonnes de réfugiés. Certains Lillebonnais décèderont des suites de ces bombardements. Gérard Régnier rappelle cependant que le temps ensoleillé fut au moins une chance dans cet exode. Tout le monde fuit, y compris les autorités municipales et les médecins. Le 12 juin, les troupes allemandes occupent Lillebonne…

    Commence alors la période de l’Occupation. L’auteur rappelle tout d’abord que les « responsables de la Ortskommandantur de Lillebonne prennent peu d’initiatives contraignantes ou menaçantes à l’égard de la population, se contentant d’assurer avec zèle l’application des ordres de leur hiérarchie ». Les pétainistes lillebonnais sont ensuite décrits. Le début de l’occupation est marqué par la création d’une section locale très active des « Amis du Maréchal » par des personnalités lillebonnaise. Ce succès rapide doit être mis en relation avec le « Mythe du vainqueur de Verdun » très présent dans la société française. Le pharmacien, André Lainey, prend la tête de la section lillebonnaise qui s’avère très rapidement dynamique. Cet homme est très apprécié par la population car dévoué et attentif à ses clients et impliqué dans la vie locale. Cependant, Lainey meurt accidentellement le 6 juillet 1942 et, pour honorer la mémoire du fondateur, la section prend le nom de « Section André Lainey ». Par la suite, et par l’initiative du nouveau président de la section Marcel Huygues, le mouvement va accentuer la collaboration avec l’Allemagne et vante, par exemple, les avantages de partir travailler en Allemagne. 

    La vie quotidienne à Lillebonne entre 1942 et 1944 est ensuite relatée avec tout d’abord l’accueil des jeunes réfugiés havrais, dont faisait partie Gérard Régnier qui rejoint son oncle, juge de paix à Lillebonne. La vie à Lillebonne continue sans trop de contraintes particulières, même après le débarquement allié de juin 1944. L’auteur nous relate cependant les démonstrations allemandes durant certaines occasions, par exemple la mort d’un haut officier :


    « Le commandant de la Kommandantur est retrouvé mort par ses collègues. Le bruit court en ville qu’il est décédé d’avoir trop bien vécu. Un enterrement grandiose lui est réservé : défilé des troupes allemandes au pas de l’oie, rue Victor Hugo, musique militaire, plusieurs salves de fusil sont tirées. Puis l’inhumation de cet officier a lieu dans le centre du cirque romain où une croix marquera l’emplacement de sa tombe jusqu’à l’exhumation en 1945. » 


    Les différentes distractions permettant de faire oublier plus ou moins la guerre et l’Occupation sont alors décrites. Alors qu’il est enfant, l’auteur se souvient avec plaisir que « s’il est un événement que je n’aurais raté pour rien au monde, c’est le match de football du dimanche après-midi, au stade du Toupin. J’y retrouve les joueurs de l’Union sportive lillebonnaise. […] Je me souviens encore des noms de certains joueurs, comme Lemaitre et Octave Leclerc qui me faisaient rêver… Et Jacques Montgauze, gardien de but très élégant ». Il mentionne également le cinéma l’Atlantide (situé alors à l’angle de la rue du succès et celle d’Ernest Caron) : « Mais je peux dire qu’en 1943 et 1944, je faisais partie des très nombreux Lillebonnais qui fréquentaient l’établissement L’Atlantide » qui amenait un public nombreux, constituant la grande distraction de la période de l’Occupation.

    Puis, les différents partis collaborationnistes qui vont se multiplier à Lillebonne pendant l’Occupation sont énumérés que cela soit le Parti franciste, le Rassemblement national populaire (RNP) ou le Parti populaire français (PPF). L’auteur présente aussi la Légion des Volontaires Français (L.V.F.) qui est une organisation militaire rassemblant les Français volontaires pour se battre en URSS dans les rangs et sous l’uniforme allemand. À Lillebonne, l’Office de Placement Allemand est chargé d’organiser l’envoi de Français en Allemagne pour différentes raisons. Tout d’abord dans le cadre de « La Relève » qui permettait à un prisonnier d’être libéré en échange du départ en Allemagne de trois ouvriers. Cette politique s’avérant un échec, et face à la demande croissante de main-d’œuvre du Reich, le gouvernement de Vichy instaure la loi du 16 février 1943 mettant en place un Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne pour les jeunes Français nés entre 1920 et 1922. Lillebonne n’est pas épargnée et 89 jeunes partiront ainsi pour l’Allemagne dont deux qui n’en rentreront pas. Gérard Régnier relate les témoignages de deux Lillebonnais partis pour le STO et qui ont connu un sort très différent : Maurice Cadinot et Henri Langlois. Le premier retrouve Lillebonne en très mauvaise santé, ayant perdu 20 kilos, souffrant d’hémorroïdes et présentant de graves lésions pulmonaires. L’autre réalise son STO près de Berlin et assiste à la fois aux répercussions de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler et à la prise de Berlin par les Russes en 1945. Remis aux Américains par les Russes en échange de soldats soviétiques, il rentre à Lillebonne en ayant moins souffert du STO que Maurice Cadinot. Cela montre la diversité des parcours. Enfin de jeunes Lillebonnais sont partis pour une autre raison, celle de rejoindre la Waffen-SS. L’antisémitisme à Lillebonne est alors abordé, toujours en rappelant tout d’abord le rôle du journal Le Progrès de Lillebonne dans la diffusion des idées antisémites, accentuée depuis l’Occupation et le contrôle de la presse par les autorités allemandes. Mais c’est bien le triste sort réservé à la famille Rosenberg qui occupe principalement ce chapitre. Le docteur Tibor Rosenberg possède un cabinet à Lillebonne et vit avec sa femme Brandla et leurs deux jeunes enfants, Armand et Daniel. Le père meurt d’une maladie contractée alors qu’il est prisonnier, suite à la campagne de 1940, en Allemagne le 31 décembre 1941. Veuve avec ses deux enfants, Mme Rosenberg est finalement arrêtée chez elle, à Lillebonne, le 18 janvier 1943. Guy Grenet, cité dans le texte, précise le destin funèbre de cette famille lillebonnaise : « Mme Rosenberg et ses enfants partiront le 31 juillet de Drancy, par le convoi n°58. À l’arrivée à Auschwitz, 727 furent immédiatement gazés, dont Brandla, Armand et Daniel Rosenberg »… 

    En contraste, Gérard Régnier mentionne ceux qui ont résisté et tout d’abord le rôle de l’église de Lillebonne. L’auteur voulait rendre hommage à cet aspect peu connu de l’Occupation de la ville. En effet, « l’attitude exemplaire de l’église de Lillebonne, se démarquant d’une église de France très favorable au gouvernement de Vichy, est ignorée, y compris l’arrestation du chanoine Delalandre, par les autorités nazies, pour son sermon du 15 août 1942, en l’église de Lillebonne ». René Delalandre va manifester très tôt son hostilité face à l’occupation allemande. La résistance dans sa globalité est ensuite décrite, mais l’auteur précise que « comme ailleurs, la présence de résistants de « la dernière heure », oblige à la plus grande prudence ». Il y a tout d’abord les socialistes de « Libération – Nord » avec notamment un homme qui se fait remarquer très tôt : Francis Jarlégan. La Libé-Nord de Lillebonne, en association avec ceux de Bolbec et de Saint-Romain et sous les ordres de Lionel Pouchin, mènera « une guérilla intensive » jusqu’à parvenir à s’emparer de Tancarville le 28 août 1944. Il y a également bien entendu les résistants rattachés aux Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) avec certaines personnes qui se distingueront davantage, comme Drambrereant, même s’il n’y avait pas de véritable chef. Gérard Régnier nous relate ainsi le 11 novembre 1943. Alors qu’aucune manifestation patriotique n’est autorisée pour fêter l’armistice de la Première Guerre mondiale, Elisée Gomont, membre des F.F.I., installe un drapeau tricolore en haut du Théâtre romain, geste patriotique et signe d’espoir pour les Lillebonnais…

    Arrive alors le mois de juin 1944 où le climat s’alourdit depuis le débarquement allié sur les plages normandes. Le Progrès de Lillebonne rapporte la multiplication des mouvements d’hostilité envers les troupes d’occupation poussant les autorités nazies à mettre en garde la population. Mais la fin de l’occupation approche… À l’aide du récit que fit Lucien Brognard, pharmacien de Lillebonne, dans L’Echo de Lillebonne, Gérard Régnier nous relate les combats jusqu’à la libération de la ville le 31 août 1944. Depuis la rive gauche de la Seine, les commandants alliés préparent la conquête de la ville en cette fin août 1944. Ils ont prévu de pilonner Lillebonne par la multiplication de tirs d’artillerie. Pour éviter cela, le mercredi 30 août, un groupe de F.F.I. lillebonnais tente de joindre les militaires anglais en traversant la Seine. Les Anglais sont alertés à temps du départ des Allemands et de l’inutilité d’un tir d’artillerie sur Lillebonne. En effet, déjà depuis mi-août, de nombreux véhicules de l’armée allemande stationnent dans le parc du château, en attendant l’ordre de la retraite générale qui finit par arriver le 26 août. Le mardi 29 août marque le dernier jour de l’occupation de Lillebonne. Le lendemain, les Lillebonnais peuvent alors constater l’absence d’uniformes allemands dans les rues de la ville. Un conseil municipal provisoire est alors désigné par le préfet afin de gérer la ville, en attendant les élections municipales d’avril-mai 1945. Ces dernières constituent les premières élections depuis la libération mais aussi les premières où les femmes peuvent voter.

    

    Dès la libération, deux partis politiques se démarquent à Lillebonne avec notamment le Parti socialiste S.F.I.O. qui, en relation directe avec la Résistance locale, s’impose dans la vie politique locale avec à sa tête Francis Jarlégan, président du Comité local de libération nationale. Le second est le Parti communiste qui, à la Libération, organise une section locale à Lillebonne. Les partis politiques reprennent une activité en relation directe avec l’épuration. La libération, outre la joie de la liberté retrouvée, a également amené le désir de vengeance et les règlements de comptes. L’épuration « sauvage » n’aurait pas été, à part un cas de femme tondue le 1er septembre 1944, une réalité à Lillebonne. L’épuration fut donc judiciaire. La chasse aux collaborateurs est donc lancée à Lillebonne, menée notamment par les résistants F.F.I. et voulue par les différents partis politiques comme le parti socialiste SFIO dont les membres souhaitent une épuration totale et rapide. Des sanctions contre les profiteurs de guerre quels qu’ils soient sont également réclamées, notamment contre les cultivateurs qui ont profité des conditions particulières pour vendre plus cher leurs produits. Les accusations anonymes se multiplient alors poussant le commissaire de police de Lillebonne de rendre obligatoiresles déclarations écrites et signées. Gérard Régnier liste ensuite quelques exemples de collaborationnistes aux trajectoires diverses et qui ont été condamnés pour leurs agissements durant l’Occupation. On passe ainsi du Lillebonnais le plus impliqué dans la collaboration, Richard Eliasson, condamné à mort par contumace, au jeune Lillebonnais, Noël C. qui, pourtant plein d’avenir en tant qu’étudiant en pharmacie, a un parcours dans la collaboration qui l’a amené à rejoindre les Waffen SS. avant d’être arrêté à la fin de la guerre, après avoir déserté, et condamné à 10 ans de travaux forcés ou encore à la dégradation nationale…

    

    En conclusion, Gérard Régnier reprend la formule de l’historien Henry Rousso : « Vichy, un passé qui ne passe pas »… Car, bien que cela fasse 77 ans que la guerre est terminée, la période de l’Occupation reste les « Années noires » dont la mémoire a du mal à faire surface comme c’est le cas à Lillebonne. D’une part, car les travaux de recherche ont peut-être été insuffisants et notamment dans le recueillement des sources orales, des témoignages des hommes qui ont vécu cette période. Mais d’autre part, cela est peut-être dû au fait que la mémoire était encore trop vive, les acteurs de cette période étant soit encore vivants soit leurs descendants encore présents, la collaboration ayant été une réalité bien présente à Lillebonne. L’affaire Rosenberg n’aidant pas à dénouer les langues.

    Le travail de Gérard Régnier est donc un riche apport pour comprendre Lillebonne durant la Seconde Guerre mondiale. Complétant l’écrit de Jean Serin, il permet à quiconque de connaître cette page de l’histoire de Lillebonne en proposant à la fois un panorama des différents acteurs et institutions présentes dans la ville au moment de l’Occupation, des collaborationnistes aux résistants, mais aussi de suivre une chronologie en rappelant les principaux événements qui ont pu marquer les Lillebonnais à l’époque, de la drôle de guerre à la libération. L’histoire politique de Lillebonne est particulièrement bien décrite. Un autre apport de l’auteur étant son statut à la fois de chercheur mais aussi de témoin. Nous pouvons alors suivre les événements à la fois des yeux de l’historien mais aussi de l’homme, qui par ses souvenirs de lorsqu’il était jeune enfant, témoigne directement de ce qu’il a vécu. Nous pouvons néanmoins regretter que les sources ne soient pas plus précisément indiquées en notes de bas de page, avec leurs différentes provenances notamment. De plus, Gérard Régnier s’appuie principalement sur le chapitre de Jean Serin, des journaux de l’époque et des témoignages qui ont pu être recueillie, laissant la possibilité à de futurs chercheurs de s’intéresser à l’histoire de Lillebonne durant la Seconde Guerre mondiale. En effet, l’écrit de monsieur Régnier est une porte d’entrée à des études plus précises sur certains aspects, utilisant d’autres sources (permettant une étude économique et sociale par exemple). Encore faut-il que ces sources existent encore et soient matériellement et intellectuellement disponibles aux chercheurs. Cela est moins sûr… 

Guilbert Vincent


[1] Le livre de Gérard Régnier est disponible gratuitement sur son site internet : https://gerardregnier.wordpress.com

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